La marotte noyée by Jones Diana Wynne

Auteur:Jones, Diana Wynne [Jones, Diana Wynne]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantasy, Jeunesse
Éditeur: Fait maison
Publié: 2015-01-07T14:48:34+00:00

Chapitre 13

a nuit leur parut extraordinairement longue. Mitt resta à la barre aussi longtemps qu’il put. Il était résolu à monter le plus au nord possible. Ça lui faisait plaisir de conduire à nouveau un bateau, surtout un bateau de course aussi réactif que le Route du Vent. Mais cette satisfaction se coupla rapidement d’un sentiment d’ennui profond. Il n’y avait rien à faire que contempler la marche lente des étoiles en écoutant le gonflement de la houle sur la mer immense. Mitt fit quelques efforts sincères pour réfléchir à la façon dont il s’était conduit à Holand. Mais chaque fois qu’il se lançait, il se rendait compte, au bout de peu de temps, qu’en fait il ne pensait à rien du tout. À force, les étoiles commencèrent à bouger dans le ciel. Mitt ne savait pas s’il avait cédé au sommeil pendant qu’elles se déplaçaient, mais, en tout cas, il en avait assez. Il bloqua la barre et réveilla Hildy.

Elle était tellement endormie qu’elle prit le quart sans pratiquement en avoir conscience. Cela lui parut interminable. Elle se retrouva soudain douloureusement pliée en deux sur la barre, dans un monde qui commençait à pâlir. La mer était sombre et luisante. Elle avait été réveillée par le passage d’une vague blanchie d’écume. Elle se leva, recroquevillée comme une petite vieille, et alla réveiller Ynen.

Ce dernier, revigoré par six heures de sommeil – ce qui eut le don d’agacer sa sœur –, se leva gaiement pour affronter l’aube blanchissante. La brume dans laquelle était noyée la terre paraissait trop proche. Ynen corrigea le cap et resserra les cordages ; puis, en chantant, il regarda le soleil sortir du brouillard, dans un flamboiement rouge et jaune. Maintenant que tout était réglé, qu’ils allaient vers le nord, le garçon trouvait qu’il n’avait jamais connu meilleures vacances. Lorsque Mitt réapparut un peu plus tard, le Route du Vent avançait à bonne allure avec un bon petit vent, sous un ciel strié de gris. La terre formait une tache crayeuse et les vigoureuses vagues grises galopaient vers le nord, elles aussi, se divisant en deux lignes d’écume blanche de chaque côté de la proue du Route du Vent. Hildy, elle, sortit en râlant. Il était encore tellement tôt.

Ils allèrent chercher les pâtés. Ils étaient rassis, ramollis et de moins en moins appétissants.

« Je pense qu’ils seront devenus de vieux ennemis quand nous atteindrons Kinghaven – s’ils résistent jusque-là, déclara Mitt.

— Ça vaudrait mieux. On en a deux sacs pleins, dit Ynen qui ne put s’empêcher de rire en voyant l’expression de Mitt.

— Alors, il ne reste plus que le problème de l’eau, remarqua Mitt.

— Eh bien, à vrai dire, le tonneau est plein », avoua Hildy.

Pendant un court moment, Mitt eut du mal à accepter de s’être fait ainsi berner. Puis, au grand soulagement de Hildy, il éclata de rire.

« Je parie que vous étiez furieux quand je n’ai pas choisi l’arris ! dit-il. Nous les rustauds, on est censés adorer ça, non ? »

Hildy baissa la tête, gênée.

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